INTRODUCTION

L'histoire des aliments est en effet aussi longue et aussi riche que celle de l'homme lui-même et cela est vrai, singulièrement pour les boisons. Car l'acte de boire répond à des besoins non seulement physiologiques mais aussi et quelquefois surtout psychologique et sociologiques, en particulier lorsqu'il s'agit des boissons alcoolisées. Dissiper la fatigue et la dépression, procurer l'évasion hors du quotidien et conduire à l'euphorie, facilité la communication et créer la fête, voilà, semble t-il ce que l'homme a de tout temps demandé à la boisson. " Dans les sociétés dites primitives , boire est un acte éminemment sociale et boire seul est considéré comme un tabou ".
Boissons rituelles et faits sociaux, les bières le sont en effet sur toutes les latitudes. Dans les pays tropicaux, les variétés témoignent de la richesse des savoirs ancestraux qui ont su résister à l'épreuve du temps. Préparées à partir des produits amylacés ou sucrés, nombreux et variés ces produits sont le reflet de la pratique traditionnelle dont il convient de tenir compte dans une démarche appropriative.
Nous pourrions multiplier des exemples ou des hommes se sont ingéniés à préparer des boissons à partir des produits sauvages de miel, de sève de palmiers ou d'autres jus sucrés.
En effet, l'Afrique est sans doute avec l'Amérique azonienne la région ou l'on retrouve le plus grand nombre de boissons fermentées. On y fermente des bières de sorgho (mil, millet,…), de manioc, de maïs ou encore des vins de miel (hydromel),de palme ,de sucre de canne, d'ananas, de poire-cactus ou de banane.(annexe 1)
Le mode de préparation, les ingrédients utilisés, la quantité produite l'utilisation des boissons fermentées, varie d'une société à une autre et d'une époque à l'autre.
L'ensemble des bières africaines, boissons fermentée d'origine africaine qui nécessitent la transformation d'un substrat amylacé avant fermentation, peuvent être divisé en deux catégories en fonction de la source d'enzymes amylotique :
Les bières dans lesquelles l'hydrolyse de l'amidon est accomplie par les enzymes résultant du maltage de céréales on distingue :
-Les bières qui ont pour substrat amylacé un céréale (sorgho, mil, maïs,..) dont le dolo du Burkina-faso est le plus connu. . Les autres bières de céréale étant des variantes de la bière de sorgho (Claude Aubert, 1985)
-Les bières dont le substrat est un fruit ou un légume (banane ou manioc,…) exemple le mbégé de la Tanzanie et kasi-kisi du Zaïre pour la banane
Les bières dans lesquelles l'hydrolyse de l'amidon est accomplie par les amylases de racines .

Au vue de cette diversité de bières obtenues à partir de produits amylacés, nous allons traiter le cas du dolo et de la bière de banane pour la 1ère catégorie et du munkoyo pour la 2ème à la suite du schéma général de fabrication de la bière industrielle dans un premier temps .
Une étude comparative des bières industrielles et des bières artisanales en Afrique sera faite dans un deuxième temps.

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1. LES BIERES INDUSTRIELLES.


L'histoire de la bière commence 5000 ans avant Jésus-Christ dans l'Egypte ancienne. Avec l'évolution des sciences et des techniques, la bière a évolué jusqu'à aujourd'hui où, tout en maintenant la qualité, on a augmenté la productivité.
Elle est actuellement la boisson la plus consommée dans le monde après l'eau bien sur. Il existe 40000 marques répertoriées : blondes, rousses, brunes ou blanches, plus ou moins amères, houblonnées, fruitées…
Les principales étapes de fabrication sont le maltage de produits amylacés (orge, maïs, mil, sorgho, blé…), le brassage, la fermentation et le conditionnement.

1.1. LA MALTERIE.

1.1.1 Le principe

Le but de la malterie consiste :
Activer les enzymes capables de transformer l'amidon en sucres fermentescibles : les amylases. (Photo 1)
Activer les enzymes capables de dégrader les chaînes longues de protéines en acides aminés, dipeptides, tripeptides nécessaire au développement des levures et en polypeptides formant ce qu'on appellera l'azote soluble non assimilable que l'on retrouvera dans la bière finie et qui jouera un rôle dans la mousse et dans le trouble de la bière.
Activer les enzymes capables de digérer les parois cellulaires rigides du grain d'orge permettant une bonne répartition et un meilleur travail des autres enzymes.

1.1.2 Les principales étapes

Cela consiste dans la transformation d'un grain d'orge, également l'amande dure et cornée en un grain de malt friable et désagrégé, riche en enzymes, utilisable en brasserie.
L'industrie de la malterie s'effectue en plusieurs étapes :

1.1.2.1.Le nettoyage :

Triage et calibrage sur des tamis afin de se débarrasser de tout les corps étrangers et d'obtenir un lot homogène en taille

1.1.2.2.Le trempage :

Permet de nettoyer correctement le grain, et de lui apporter l'eau et l'air suffisant ce qui permettra de lever la dormance et d'amorcer la germination du grain. L'humidité du grain doit être porter de 12% à 45% sans l'asphyxier et le traitement doit être le plus homogène possible. Durée :40 h

1.1.2.3.La germination :

Il y a un apport d'air et d'eau constant. Cette germination est comparable à celle qui s'effectue en terre. Cette étape active les enzymes capables ultérieurement de saccharifier l'amidon présent dans l'amande.
Durée : 4 à 6 jours à 15-25 °C

1.1.2.4.Le touraillage :

S'effectue avec de l'air chaud. Cela permet de dessécher le malt pour une meilleure conservation. Cette opération permet le développement de l'arôme et de la couleur et stoppe la croissance.
Le malt utilisé pour une bière blonde s'effectue à une certaine température (environ 80°C), par contre le malt servant pour une bière brune, le touraillage s'effectue à une température supérieure (environ 100°C).
Durée 24 à 48 h

1.1.2.5.Le malt touraillé :

Il est débarrassé de ses radicelles, dont la présence nuirait à la qualité de la bière, dans une dégermineuse et après 4 à 6 semaines il est prés à être utilisés en brasserie

 

1.2. LA BRASSERIE

1.2.1 Principe

Le but du brassage consiste :
- a dissoudre les composés qui se sont préformés pendant le maltage
- a utiliser les enzymes fabriquées pendant le maltage pour transformer l'amidon en sucres
- faire agir les protéases restant dans le malt touraillé pour continuer la transformation des protéines en éléments plus simples : acides aminés, peptides, polypeptides.
- amerisser le moût par l'utilisation de houblon.

1.2.2 Les étapes de la brasserie

1.2.2.1.Le concassage :

Pour récupérer le maximum d'extrait du malt, celui-ci doit être en farine pour faciliter les réactions enzymatiques pendant le processus de brassage. La mouture est ensuite 'empâtée' dans de l'eau chaude. La finesse et la nature de la mouture dépendent de l'appareil de filtration en salle à brassage mais aussi de grains crus.

1.2.2.2.Le brassage :

Permet d'obtenir à partir du malt friable un jus fermentescible. L'amidon du malt et des grains crus est empesé sous l'action de la chaleur, liquéfié sous l'action des amylases alpha, puis saccharifiée par les amylases bêta.
Des paliers de températures servent à transformer tout l'amidon en sucre et afin d'être sûr de transformer toutes les protéines par les enzymes qui ont chacune leur propre température optimale. Le mélange ainsi obtenu est appelé maishe est ensuite envoyé dans la cuve filtre après saccharification de l'amidon.

Photos 2-3)

4 enzymes principales agissent sur les chaînes d'amidon :
- l'Alpha-amylase : coupe les liaisons alpha 1-4 à l'intérieur des chaînes
- béta-amylase : coupe les liaisons alpha 1-4 à l'extérieur des chaînes
- la dextrinase limite : coupe les liaisons 1-6 des chaînes ramifiées, agit à 55-60°C
- la maltase : transforme le maltose en glucose, inactivé au-dessus de 40°C

1.2.2.3.La filtration :

Permet de séparer les particules solides (enveloppes du malt, particules dures, amylacée non liquéfiée ) qui constitue les drêches du liquide fermentescible, le moût.

1.2.2.4.La cuisson et le houblonnage :

Le moût sucré est placé dans une cuve à ébullition ce qui a pour effet de :
- stériliser le moût.
- augmenter la couleur par réaction d'oxydation.
- dissoudre et transformer les matières nobles du houblon
- précipiter les complexes protéo-tanniques donnant un trouble à chaud qui sera éliminé par centrifugation.
- détruire les enzymes en particulier l'alpha-amylase, qui est la principale enzyme à avoir survécu aux températures de filtration
Le houblonnage à pour but d'apporter le caractère plus ou moins amer de la bière.

1.2.2.5.La centrifugation :

Permet de séparer les résidus de houblon et le trouble du moût par l'utilisation d'un bac de centrifugation naturelle : le whirpool (formation d'un tourbillon qui va amasser les débris de houblon et la cassure au fond du tank) ou une centrifugeuse.

1.2.2.6.Le refroidissement du moût en vue de l'ensemencement :

De nos jours le refroidissement s'effectue à l'ai de d'un échangeur à plaques. Généralement c'est de l'eau (du robinet) qui circule dans la première partie de l'échangeur à plaques et qui ramène le moût de 97 à 30-35°C environ. Le refroidissement jusqu'à la température d'ensemencement est alors assuré par de l'eau glycolée qui circule dans la deuxième partie de l'échangeur à plaques. Le moût est également oxygéné pour assurer le développement rapide de la levure. La quantité d'injection de levure dépend du volume du moût, de la température de fermentation et de la quantité de levure que l'on souhaite récolter en fin de fermentation

 

1.2.3. Fermentation

1.2.3.1Le principe.

La brasserie est concernée uniquement par la fermentation alcoolique qui utilise comme substrat les hydrates de carbone fermentescibles et donne comme produits de fermentation des alcools (éthylique et supérieurs), des acides organiques, des esters et du gaz carbonique
La fermentation peut se faire en deux étapes.

1.2.3.2.La fermentation primaire ou principale

Le brassage a permis de solubiliser des molécules qui seront utilisables pour l'alimentation des levures. Cette fermentation correspond à l'utilisation de tous les sucres fermentescibles si on ne souhaite pas pratiquer de fermentation secondaire avant la garde.

1.2.3.3.Différents types de fermentations

Fermentation haute : se fait à une température de 18 à 25 °C et donne des bières fruitées (Ales en grande Bretagne, bières d'abbaye et les lambics en Belgique). La fermentation est de courte durée (4 à 6 jours ) et la garde si elle est pratiquée est de courte durée.
La levure (Saccharomyces cerevisiae) a tendance à monter à la surface à la fin de la fermentation, cependant des souches floculantes ont été isolées.

Fermentation basse : la température varie de 6 à 14 °C, la durée est de 8 à 20 jours. En fin de fermentation la levure (Saccharomyces carlsbergensis aussi appelé uvarum) flocule au fond du tank, la récolte se fait par simple soutirage (bière de type pilsen)

Fermentation spontanée : ce phénomène est propre à la région de Bruxelles et ne réussi que dans cette contrée. Le moût est placé à l'air libre et c'est ce dernier qui l'ensemence. Les agents de fermentation se trouvent aussi dans les pores du bois des tonneaux où fermentent ces bières.

Fermentation accélérée : permet de produire de la bière en réduisant le temps. Cela est possible en variant différents paramètres tel que le temps de latence, dose de levain, température, oxygénation, remise en suspension des levures, souche de levures plus poussiéreuse, c'est à dire moins floculante.


1.2.4. Garde

La garde est l'étape qui suit la fermentation. Sa durée est variable et elle se fait à une température comprise entre -2 et 3°C dans des tanks cylindriques couchés ou à fond conique
Durant cette période s'opère la fermentation secondaire car il reste toujours un peu de levures. La bière finie sa maturation, s'affine, développe tout son arôme.
En fin de fermentation la levure excrète différent composés, tel que des acides aminés, peptides, acides nucléiques phosphate organique et minéraux. Cette excrétion contribue à la caractéristique de la bière. Mais si elle poursuit jusqu'au stade de l'autolyse, il apparaît un goût d'autolyse.

1.2.5. La pasteurisation.

En fin de garde la bière est filtrée puis conditionnée et est ensuite pasteurisée.
La pasteurisation assure une bonne stabilité biologique car elle évite un risque de fermentation ultérieur en éliminant les quelques levures qui auraient pu passer à travers le filtre mais surtout les contaminants éventuels.



2. LES BIERES TRADITIONNELLES EN AFRIQUE.


2.1. LE DOLO

" Dolo " est l'appellation Burkinabé donnée à la bière de mil ou de sorgho. C'est une boisson trouble, acide à 3% de teneur en alcool moyenne. La préparation du DOLO est une activité féminine. Les préparatrices appelées dolotières représentent 15% des femmes burkinabé et celle-ci possèdent une licence pour la fabrication de la boisson et la tenue d'un cabaret. La production de cette boisson atteint 600 millions de litres par an.

2.1.1 La fabrication du dolo

2.1.1.1Le maltage du sorgho

  Le maltage a pour but de développer le système enzymatique des graines. Il comporte trois étapes :
Le trempage
Cette première étape, qui se fait à 27 °c, consiste à plonger le sorgho dans l'eau ordinaire pendant 24 heures pour un lavage grossier des grains(élimination des poussière, des substances étrangères et des enveloppes du sorgho), et une imbibition du grain.
Le matériel utilisé lors du lavage est essentiellement composé des " canaris "en argile cuite de 100 à 150 litres, à moitié enterrés dans le sol afin de leur conférer une grande résistance aux chocs mécaniques et une meilleure isolation thermique.
Après 24 heures de trempe, les grains sont retirés du " canari " et égouttés à l'aide d'un panier tressé en tiges d'arbuste.

  La germination
Nous distinguerons deux étapes dans cette germination :

1) La germination à base température

Cette germination dure 48 heures et au cours de celle-ci, la " malteuse " met en place un certain nombre de techniques ,de dispositifs pour éviter la montée en température des grains en germination. Immédiatement après l'égouttage les grains sont mis à germer dans une jarre. Trois arrosages à intervalles de 12 heures sont effectués.
L'arrosage à pour but d'une part d'éviter le dessèchement des grains donc apporter l'eau nécessaire aux phénomènes biochimiques de la germination, d'autres part de refroidir les grains de sorgho dont la température s'élève du fait de la reprise des phénomènes biologiques et biologiques.
Les relevés de température ont montré que l'arrosage provoque une chute de température pouvant atteindre 15°c.(D.Griffon, 1985 )

2) La germination à haute température

Nous l'appelons ainsi, car au cours de cette étape la " malteuse " recherche une montée en température des grains de sorgho en germination. Pour cela , elle évite la déperdition de la chaleur dégagée en pressant les grains germés dans un panier et en recouvrant le tout de nattes ou de sacs de jute ou encore d'une feuille de polyéthylène. La température peut dépasser ainsi les 50°c.
Cette germination dure 48 heures, les précautions à prendre se résument essentiellement à éviter une humidité trop forte des grains de sorgho germés, car une forte humidité favorise un développement important de moisissures et une fermentation. Ainsi donc lors de l'arrosage si on observe un excès d'eau ou encore suite à une humidité relative de l'air très élevée en saison de pluies, on procède à un séchage sur aire battue ou sur nattes pour éliminer l'excès d'eau avant de mettre les grains en germination haute température.
L'évolution de la température au cours de cette phase de la germination dépend essentiellement de l'activité biologique du grain en germination et des conditions extérieures. C'est pourquoi, on observe que la température au cœur de la jarre atteint 55°c en saison des pluies, environ 6 heures après le début de cette germination haute et se maintient pendant plusieurs heures. Une baisse de la température ambiante au cours de la nuit entraîne aussi une baisse de la température des grains germés.

Le séchage
Les objectifs du séchage sont surtout de stopper l'évolution végétative des grains en réduisant leur teneur en eau et aussi de favoriser la conservation du sorgho malté. Ce séchage se réalise simplement sur des nattes ou encore sur des tôles exposées au soleil. Les grains de sorgho germés sont étalés sur une faible couche et retournés périodiquement. Le soir, ils les rentrent pour éviter une reprise d'humidité. .

(Photo 4)


2.1.1.2.Le brassage du sorgho malté

La technique de brassage du sorgho malté est la décoction. On peut distinguer les opérations suivantes :

(Photos 5-6)

Le concassage

Dont l'objectif est l'obtention de farine grossière, de semoule, traditionnellement obtenues avec une meule dormante. Le concassage est de plus en plus réalisé avec des moulins à marteaux à moteur diesel ou à essence. Généralement, il n'y a pas de stockage de la mouture et toute la mouture et brassée. Le concassage peut être fait 24 heures ou plus avant l'empâtage.

L'empâtage -décantation

L'empâtage ou " salade " est fait selon les proportions suivantes : 1volume de mouture pour 3 volumes environ d'eau, à température ordinaire. Les femmes ajoutent toujours un agent mucilagineux, comme les écorces de gombo. Il s'agit là d'une opération de collage qui améliore la décantation des matières insolubles de la " salade ".
La décantation dure au maximum 45 minutes à 1 heure. On sépare le surnageant du dépôt. Le surnageant correspond environ aux 2/3 en volume du mélange.

La cuisson des matières insolubles : cuisson de la trempe

Le dépôt est mis à cuire jusqu'à ébullition dans de grandes jarres en terre cuit ou mieux dans des marmites métalliques. Le temps mis pour bouillir dépend du volume de la jarre et de l'efficacité du chauffage. Généralement, ce chauffage au bois est lent.

  Retour de la trempe

Lorsque les matières insolubles ont bouilli, la ménagère vide les marmites et mélange ce dépôt chaud avec le surnageant de la décantation. La température du mélange est de l'ordre de 80° c.
Le mélange est laissé au repos pendant plusieurs heures (généralement la nuit) et sa température décroît de 75-80°c à 40-45° C selon la saison.
Au moment du mélange, la " salade " est de couleur brune. Progressivement, au fur et à mesure de l'hydrolyse enzymatique, elle devient rouge brique puis orangée. Son goût acide au départ s'estompe et devient plus sucré.
Le surnageant devient trouble et légèrement visqueux. La femme apprécie l'hydrolyse de l'amidon à l'aspect du surnageant et décide de la filtration ou de la poursuite de l'hydrolyse
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La filtration

Lorsque la dolotière a estimé l'hydrolyse terminée, elle sépare une fois encore le surnageant du dépôt et les deux sont mis à chauffer séparément. Le dépôt (ce qui constituera plus tard les drèches) est mis à chauffer à 80-85° C sans faire bouillir, puis il est filtré et lavé à l'eau à température ordinaire, jusqu'à ce que le filtrat ne présente plus de goût sucré.
Le filtre est constitué d'une jarre défoncée et retournée et d'un élément filtrant. Celui-ci est un panier où deux couches de paille croisées reposent sur de petites tiges de bois. La maische est versée dans le filtre jusqu'au 2/3 de sa capacité. Au début le filtrat est trouble et au fur et à mesure que les drèches forment à leur tour une couche filtrante de plus en plus importante le filtrat s'éclaircit. Les eaux de lavage des drèches sont presque limpides.
La filtration est de durée variable ; plusieurs facteurs entre en jeu : la filtrabilité de la maische, la qualité de l'élément filtrant, la température de la maische, etc…..
En fin d filtration, les drèches sont envoyées à l'alimentation du bétail, notamment porcine. Le filtrat c'est-à-dire le moût et les eaux de lavage des drèches sont rassemblés pour subir l'ébullition.

Ebullition et concentration du moût

Le moût est porté à ébullition pendant une heure environ dans le but de le concentrer et de former un précipité qui se dépose rapidement. La concentration est arrêtée par simple appréciation visuelle et/ou gustative du moût.
Le moût est mis à refroidir dans des jarres. Au cours de ce refroidissement, un nouveau précipité se dépose au fond des jarres.
Lorsque le moût a atteint la température d'ensemencement de la levure, c'est-à-dire 30-35° C,on recueille le surnageant dans une autre jarre pour l'ensemencer, ce qui permet d'éliminer les précipités formés, tant lors de l'ébullition que lors du refroidissement.
IL faut environ 36 heures pour effectuer toutes les opérations de brassage jusqu'à l'élimination de la " cassure ". Il est absolument nécessaire, compte-tenu de la durée de la fermentation, que l'ensemencement puisse être fait dans la soirée afin que la fermentation se déroule toute la nuit.


2.1.1.3.La fermentation du DOLO

Ensemencement

Le levain utilisé est vraisemblablement composé de plusieurs souches microbiennes et la souche dominante est une levure dont nous ignorons l'identité. En général, il provient d'une précédente fermentation après séchage au soleil.
Lorsque le moût a suffisamment refroidi, le levain est ajouté en petite quantité, soit environ 300 grammes de levure sèche pour 150 litres de moût.( D.Griffon, 1985 )

Fermentation proprement dite
Après l'ensemencement, la fermentation démarre rapidement. Il y a dégagement de chaleur et de gaz carbonique et on observe que le moût en fermentation mousse et est animé de mouvements d'agitation dus à ce dégagement de CO2.
La température de fermentation varie selon les saisons. En effet, on a remarqué que pendant la période la plus froide de l'année (novembre à mars) la fermentation se passe toujours bien : la levure se développe et croît mieux que pendant la saison des pluies où il fait chaud. En outre, pendant cette saison des pluies, la levure est plus active. La température idéale de fermentation serait donc 20° C. (D.Griffon, 1985 )
En général, la fermentation dure seulement 8 à 10 heures, mais elle peut être plus longue pour diverses raisons (moût chaud, levure vieille, etc……)
Quand la fermentation est terminée, après une nuit ,vers 4 heures du matin, la levure se dépose au fond de la jarre. On peut alors transvaser le dolo dans des jarres plus petites pour le vendre.

(Photo 7)


La récupération et la conservation du levain

Du fait de l'absence de filtration de la bière de sorgho après fermentation, il y a toujours une certaine quantité de levure qui reste dans la bière. Une fermentation plus faible se poursuit après son conditionnement pendant sa vente et sa conservation. Aussi, dans le récipient de conditionnement ou de conservation, des levures se déposent. Elles proviennent des levures entraînées lors de la mise en jarre et de leur développement au cours du stockage.

On peut noter que la levure est sujette à des contaminations diverses pendant son séchage. Les agents de contamination sont nombreux, l'air ambiant, la couche de bois et les matériaux utilisés pour le séchage, sans oublier les mains des dolotières.
Ceci semble se confirmer par le fait que, par le jeu de succession de flores, la bière de sorgho prend un goût acide, pas du tout apprécié par le consommateur mossi. Ce goût acide viendrait d'une fermentation acide peut-être lactique due à la présence d'une (ou de ) souche (s) qui entre (nt) en croissance et en développement après la souche principale de levure responsable de la fermentation alcoolique.


2.1.2. Aspect nutritionnel, social et économique du dolo

Le dolo est de loin la boisson alcoolisée la plus consommée dans les pays du Sahel et notamment au Burkina-faso. Très important sur le plan social, le dolo est présent à tous les moment de la vie et outre sa consommation ordinaire et au cabaret, il accompagne la plupart des cérémonies ou personne n'oserait le remplacer par bière moderne sous peine de sacrilège. Il tient une place importante dans l'alimentation des basses catégories sociales des villes et chez les paysans car il est consommé par tous, hommes et femmes dès l'age de treize-quatorze ans et parfois plus tôt.
Le dolo est fabriqué par les femmes. Le Burkina-faso compte quelque 3 millions d'habitants. 15% des femmes possèdent une licence pour la fabrication de la boisson et la tenue d'un cabaret. La production atteint 600 millions de litres par an. La valeur marchande du dolo est sensiblement moitié moindre que celle de la bière produite industriellement. A l'époque où le litre de pils se vendait 180 frs CFA le prix de vente du litre du dolo était de 83 frs CFA .
La préparation du dolo se solde par la perte d'une grande quantité de solides, surtout lors des opérations de décantation et de broyage. Le dolo ne contient que 20 et 30% de matières sèches originaires du sorgho.(Clement Delaude, al )

(Photos 8-9)
Si la farine de sorgho tamisée contient 75% de calories et 69% de protéines du grain d'origine, la teneur en calories est de 20% et de 19% en protéines, pour le dolo. La préparation entraîne une perte d'éléments nutritifs. Le dolo contient approximativement 1/3 de phosphore et 1/3 de calcium comparativement au produit de départ. Cependant, si la fermentation diminue la quantité de calories et de protéines du sorgho, elle accroît le rapport vitamines / calories cela grâce à la synthèse microbienne.( J.J. Asiedu ,1991 )

2.2. LA BIERE DE BANANE

La banane est le fruit frais le plus consommé dans le monde. Fruit à haute valeur nutritive, elle est un aliment essentiel des pays producteurs. Chaque année ce sont plus de 45 millions de tonnes de bananes qui sont produites, dont 96% viennent des pays en développement. L'Afrique orientale, zone située entre le 2° au Nord et 10° au sud de l'équateur et caractérisée par des hauts plateaux, des montagnes qui incluent les pics enneigés du Ruwenzori et du Mont Kilimandjaro et les lacs Victoria , Kivu et Tanganyika , représente l'une des régions grande productrice de banane avec 13.2 millions de tonne par an en 1984-1986 (Davies , 1994).

La banane d'altitude sert, avant tout, d'aliment de base pour les populations des zones inter lacustres . " La banane à cuire " , préparée à la vapeur et accommodée d'une sauce représente l'ordinaire d'un grand segment de la population . Le plantain rôti ou sous forme de farine , joue un rôle moins important dans cette région qu'ailleurs. La banane douce est apparemment
D'une introduction récente joue de ce fait et généralement un rôle subsidiaire (dessert) dans le régime alimentaire. Un nombre important de variétés de bananiers d'altitude sont cultivées et destinées principalement ou même exclusivement au pressage du jus , le plus souvent pour l'élaboration de boisson alcoolisée " vin " ou " bière " de banane. Il existe donc des variétés dites " à cuire ", des variétés dites " fruit " et des variétés dites " à bière ". Les variétés à bière appartiennent au groupe Musa acuminata. .
Les techniques d'élaboration de la bière de banane, en Afrique de l'Est, varient d'une localité à une autre, mais quatre étapes principales apparaissent de manière régulière dans tous les cas :

- Le mûrissement forcé du fruit,
- L'extraction du jus (moût),
- La filtration et la fermentation du moût,
- L'affinage

Les méthodes de fabrication de cette bière divergent par la méthode de mûrissement du fruit. En Ouganda, le mûrissoir est soit un fossé ou une claie au-dessus d'un fourneau, tandis qu'en Tanzanie, chez les Haya, le mûrissement se fait soit en enterrant les fruits dans un puits ou en les laissant pendre pendant plusieurs jours.
Un autre type de bière de banane est brassé à partir du mil malté et d'un jus issu de banane ayant subit une fermentation acide. Cette bière en Tanzanie est appelée "Mbege" est produite à partir de banane mûre pelée, cuite, fermentée pendant 4 à 5 jours, et filtrée. Après cette période , le filtrat acide (pH 4,0) est décanté dans un conteneur en bois propre et mélangé avec une bouillie de farine de mil malté qui a été préparée à 95°C. Après 18 à 24 heures de fermentation dans un conteneur en bois fermé, le produit est consommé sans être filtré.

2.2.1. Procédé de fabrication de la bière de banane et aspect biochimique

(schémas 1-2)


2.2.1.1.le mûrissement.

  En fossé

Les régimes coupés en deux ont été mis à mûrir dans un fossé généralement creusé dans la bananeraie. Le trou est d'abord préchauffé au petit feu , ensuite revêtu des feuille de bananier en état de décomposition, et rempli de bananes mûries. Pendant la maturation le mûrissoir reste obturé généralement par des feuilles.

  Sur claie

Les régimes de bananes vertes , couverts de feuille de banane, sont disposés sur claie au-dessus d'un fourneau pendant 7 jours. Pendant les 3 premiers jours , le mûrissement est induit par une fumaison continue sur la braise d'une bûche couverte de brindilles. Le 4ème jour , le mûrissement se produit par simple exposition à la chaleur dégagée par le fourneau.

Pendant cette phase , le substrat amylacée se modifie selon deux phénomène que sont, la respiration cellulaire suivie de la dégradation de l'amidon.
La banane verte est riche en amidon, 20,65% contre 0,86% de sucre ; après une dizaine de jours de mûrissement , la banane renferme presque tous ces glucides sous forme de sucre .On a donc dans le fruit 1,21% d'amidon et 17,91% de sucre.
L'hydrolyse de l'amidon par l'alpha et la bêta amylase et par l'alpha 1,6-glucosidase conduit majoritairement à la production de maltose, de glucose et de fructose. Ce profil glucidique peut éventuellement varier au profit du glucose et du fructose si le mûrissement est effectué à des températures avoisinant les 40°C.

2.2.1.2.L'extraction de jus et préparation du moût

Cette étape comprend l'extraction proprement dite, une filtration et une dilution du moût.

La pulpe des fruits ainsi mûrie est pressé à l'aide de touffe de graminée sélectionnées ou d'autre herbes. Le brasseur utilise de préférence l'inflorescence de papyrus qui produit un rendement d'extraction supérieur en jus et de son aspect. Impérata cylindrica donne également de bons résultats. Cymbopogon spp utilisé autrefois donne au jus et à la bière une odeur caractéristique peu appréciée par les consommateurs finaux. Des herbes comme Hyparrhenia peuvent être utilisé. Le pressage se fait dans des mortiers en bois.
Le moût provenant du pressage est récupéré et ensuite filtré des impuretés à l'aide de plante , généralement de l.cylindrica , disposées entre deux pseudo troncs de bananes coupés, puis versé dans le mortier de pressage.

Un jus dilué est obtenu par lavage de la drêche (le résidu de la pulpe de banane et des herbes), est ajouté au moût.(Devies, 1994 )

2.2.1.3.La fermentation

le mélange
Avant le début de la fermentation, le moût reçoit des additifs, de l'eau et une farine de mil ou de sorgho, fraîchement grillée avant d'être concassé. Ces additifs sont ajoutés dans les proportions 1:1, et déterminent la qualité du breuvage final, en particulier sa teneur en alcool.
La taille des grains concassés selon les brasseurs va déterminer les conditions et la qualité du filtrat final, sachant que l'adjonction de gros grains de sorgho facilite la filtration tandis qu' une farine très fine est difficile à filtrer et peut rendre la bière visqueuse (Davies, 1994).
Les grains de mil ou de sorgho ont été préalablement mis à germés par trempage afin d'activer ou de synthétiser les enzymes qui seront nécessaire à la dégradation de l'amidon de banane.

Lors du mélange le processus biochimique attendu est la saccharification de l'amidon . Ce phénomène , se déroule lorsque le moût est mis à fermentation ; en effet, saccharification et fermentation se font en même temps dans le même récipient et dans un fossé ou à température ambiante.
Les enzymes responsable de la saccharification, les bêta et alpha-amylases ont respectivement une température optimale d'activité de 62°-65°C et 72°-75°C, mais les conditions thermiques de travail des brasseurs (en fossé ou à température ambiante) ne sauraient entraîner une saccharification totale de l'amidon. Le mûrissement ayant le même effet, l'adjonction de sorgho germé légèrement grillé aurait pour but de poursuivre la dégradation de l'amidon.

La fermentation
Elle a lieu dans le pressoir et dure 24h à 3jours selon qu'elle se fait soit dans un fossé ou soit à l'air ambiant et en fonction du degré d'alcool souhaité. Pendant la fermentation le mortier reste recouvert de gaine folière usagé et de feuille de banane.

La fermentation du jus de banane résulte de l'action des souches de levures et d'autres micro-organismes qui se développent lors des différentes opérations du brassage. La répétition de certains procédés, par exemple la maturation conduite dans un même fossé dans la bananerais, le pressage dans un même mortier en bois, etc., pourrait favoriser l'émergence de souches adaptées à une fermentation efficace. L'analyse des échantillons de la bière et du jus de banane provenant de 6 sites au Zaïre et Rwanda suggère que certaines souches de Saccharomyces cerevisae, parmi d'autres levures, en soit responsable . Saccharomyces cerevisae est également responsable de la fermentation de la bière de sorgho et de maïs (Munyanganizi, 1974-5 ; cité par Davies, 1994).
On peut aussi supposer que certains microorganismes habituellement présent sur le sorgho, comme les lactobacillus, assurent en parallèle une fermentation lactique .

2.2.1.4.L'affinage

A la fin de la fermentation la bière est filtré et refroidie puis stockée.

Le dédoublement partiel de l'amidon et des conditions de fermentation conduiraient probablement à une bière faiblement alcoolisée, légèrement acide et riche en amidon. En générale une bière provenant d'un jus dilué possède une faible teneur en alcool (2°-5°). Sans réfrigération la boisson garde un goût agréable pendant une période d'une semaine au maximum. La fermentation persiste car la filtration traditionnelle n'enlève pas toutes les levures. Un kilo de fruit donne en en moyenne un demi-litre de bière.


2.2.2. Aspect nutritionnel, social et économique de la bière de banane.

La bière de banane dans certaines région de l'Afrique de l'Est est essentiellement destiné à des fins d'hospitalité tandis que dans d'autres régions elle constitue, toute l'année, une source de revenu garanti pour le paysan producteur. Son prix de vente au litre sur les marchés locaux correspond sensiblement au quart du prix de vente du litre de bière de type européen, et sa commercialisation représente, dans les zone périurbaines, une stratégie domestique pour augmenter le pouvoir d'achat familial suite à la mise en application des mesures d'austérités relatives aux salaires dans le secteur " formel ". Part contre, en zone rurale, la préparation de la bière sert des fin sociales. En Tanzanie, la bière de banane "Mbege" a un rôle très important car on juge du statut social et financier d'une fiancée par la quantité de "Mbege" distribué et sa consommation est donc très élevée lors des mariages.
En Ouganda, depuis les années 1960, la bière de banane est achetée auprès des producteurs traditionnels et elle constitue, en tant que base alcoolisée, la matière première préférée d'une eau-de-vie industrielle.
La présence de levures et de matières en suspension (résidus de farine de sorgho, et du substrat amylacé) dans le produit final accroît la valeur nutritive de la bière. La bière de banane est une bonne source de vitamine B, une source de plusieurs protéines et acides aminées, et une source de calories pour le consommateur (Harkishor,1977 ; cité par Steinkraus,1983).

 

2.3. LE MUNKOYO

En région Zambézienne, au Congo , dans la nouvelle province du Katanga , et en Zambie ,le terme munkoyo désigne une boisson traditionnelle et rituelle faiblement alcoolisée (teneur en alcool : moins de 2% en volume) et aussi les racines utilisées pour la confection du breuvage. A kiembé , comme dans la plupart des villages du sud du Katanga, la fabrication de la bière munkoyo se fait sans mystères, au vu et au su de tous . Activité traditionnelle , le brassage est affaire de femmes. La femme qui brasse , mélange dans un récipient ( demi fût ) placé sur un feu de bois de la farine de céréales avec de l'eau et liquéfie instantanément l'empois d'amidon formé en plongeant dans la pâte amylacée des racines battues des plantes munkoyo En suite , elle abandonne le liquide placé dans d'énormes calebasse au processus de la fermentation alcoolique. L'opération rentre dans le cadre des activités domestiques courantes. Sa formule est simple, tellement simple qu'elle paraît banale, néanmoins, elle est fascinante car elle met en lumière le sens aigu de l'observation des empiristes africains, qui sont les véritables auteurs de la découverte des propriétés de la racines des munkoyo et, faut-il le souligner, le munkoyo est une bouillie de farine de maïs, de sorgho, de manioc cuite à l'eau puis liquéfiée et partiellement hydrolysée par les alpha-amylases et les bêta- amylases présentes dans les racines des plantes munkoyo. La boisson est consommé e le lendemain ou le surlendemain de sa fabrication après une légère fermentation lactique et alcoolique.
Comme la "chicha" amazonienne (boisson fermentée à base de maïs) qui utilise comme enzyme amylolytique les amylases salivaires humaines et le "saké" asiatique ( bière de riz) dont l'amylase intervenant dans le processus de saccharification est celle d'un champignon, Aspergillus oryzae, le munkoyo est l'une des bières dont le schéma de fabrication fait appel à des enzymes exogènes, celles des plantes munkoyo

2.3.1 Identité botanique et caractéristiques biochimiques des plantes munkoyo

Les racines munkoyo employées pour la confection de la boisson "Munkoyo" sont des Facaceae géosuffrutescentes. Pour fabriquer le "Munkoyo" les habitant du Katanga se servent communément des racines de :
-Eminia holubii (Hemsley) Taub. ;
-Rhyschosia insignis (Hoffm.) R.E Fries subsp. Insignis ;
-Rhyschosia insignis (Hoffm.) R.E Fries subsp. Offinis (De Wild) pauwels ;
plus rarement de Eminia harmisiana De Wild ;
et exceptionnellement de vigna nuda N.E.Br.
Cependant par expérience, les villageois de la région du Shaba ont adopté une variété connu sous le nom vernaculaire de Mulaba qui donne un goût agréable (Griffon 1985).
Lovelace (1977 ; cité par Steinkraus) rapporte que l'extrait de racine de Munkoyo contient des sucres réducteurs et une amylase active. Les analyses menées par D. Griffon (1985) après extraction et purification des amylases du Munkoyo ont révélé de grande similitudes avec celle du malt d'orge : les activités enzymatiques sont identiques ; le pH optimal des alpha amylases sont identiques (pH 5,2) et légèrement différent pour la bêta amylase (pH 5,3 pour le malt et pH 5.7 pour le Munkoyo) ;les températures optimales des amylases du Munkoyo sont plus élevé que celle du malt d'orge, 67°C contre 78°C pour l'alpha-amylase et 62°C contre 65-67°C pour les bêta-amylases.

2.3.2. Procédé de fabrication et aspect biochimique de la bière munkoyo

Comme la plupart des bières brassé à travers la monde , la préparation du "Munkoyo" passe par quatre étapes principales :
-Préparation de la farine et de l'empois d'amidon ;
-liquéfaction
-fermentation
-L'affinage
Les techniques de préparation du "Munkoyo" varient très peu d'une localité à l'autre . Les différences résident essentiellement dans le choix de la source d'amidon et de celui de l'espèce de plante "Munkoyo". En Zambie, la boisson est préparée à partir du maïs et utilise l'espèce Rhyncoria venulosa e tandis qu'en république démocratique du Congo (ex Zaïre) la bière "Munkoyo" nécessite de la farine de manioc et utilise l'espèce Eminia polyadénia hauman.

2.3.2.1.Préparation de la farine et de l'empois d'amidon

Les farines
Le "Munkoyo" est préparé en générale à partir de farine de maïs, mais occasionnellement, en fonction des cultures principales des villages , des farines de manioc, de sorgho ou d'éleusine sont utilisées.

La farine de maïs.
La farine de maïs subit une préparation particulière. En effet, les grains de maïs sont grossièrement pelés mis dans un panier et immergés durant 2 à 3 jours, puis séché au soleil . Les enveloppes sont séparées des grains par une ventilation rudimentaire qui consiste à mettre 3 poignées de grains à demi pilés dans un panier plat et à jeter en l'air le contenu que l'on rattrape dans le même panier. On recommence l'opération plusieurs fois de façon à ce que le vent emporte les enveloppes. Les grains sont ensuite pilés dans un mortier de bois ou moulus. La farine légèrement humide est alors tamisée, puis séchée au soleil.
Les différentes opérations précitées sont nécessaires à l'élimination des principes huileux des grains qui donnent une mauvaise couleur et un goût désagréable à la boisson (D. Griffon 1985). En effet, la graine de maïs contient en plus des hydrates de carbones à hauteur de 50% du poids sec des lipides (4.5%) dont les triglycérides comprennent 2% de composants ayant 1ou 2 acides gras saturé , 40% de composants ayant 1ou 2 acides insaturés et 58% de composants ayant 3 acides gras insaturés (J.J. Asiedu, 1989). L'huile de maïs de ce fait , dans les conditions de cuisson c'est à dire en présence d'eau et à température supérieure à celle de gélatinisation de l'amidon de maïs (62-74°C), sera sujette a une oxydation. La détérioration de l'huile de maïs est plus rapide au-dessus de 60°C (Martz,1970 ; cité par J.J. Asiedu, 19989).

La farine de manioc
Pour la farine de manioc, le traitement est similaire. Les cossettes fraîches sont écorcées et mises à tremper dans de l'eau froide pendant une semaine de façon à éliminer les composés toxiques. Retirées de l'eau, elles sont nettoyées, puis coupées en morceaux et mises à sécher au soleil sur des nattes .
Les principes toxiques du manioc sont le linamarine et le lotaustraline qui hydrolysés par le linamarase libèrent l'acide prussique (HCN létal lorsque présent à 0,1 g dans l'aliment).
Les morceaux de cossettes peuvent alors être pilés et la farine obtenue est tamisée.

La farine de sorgho
Elle est très appréciée par les villageois , car très pauvre en graisse qui confère une odeur et un goût peu agréable à la boisson (Griffon 1985). La farine de sorgho renferme 2,6 à 0,6% et 2,6 à 0,2% de matière grasse, en fonction du pourcentage d'extraction lors du décorticage, respectivement pour la méthode traditionnelle au mortier et au pilon et pour un broyage au broyeur à cylindre (John et Muller, 1971 ; cité par J.J. Asiedu, 1989).

Préparation de l'empois d'amidon
Les farines, séchées au soleil, sont prêtes à la préparation de la bière.
Pendant q'une femme prépare un mélange à froid de 15kg de farine pour 8 litres d'eau, dans le cas de la farine de maïs, formant ainsi une bouillie pâteuse , un demi-fût est rempli d'environ 40 litres d'eau et mis à chauffer jusqu'à un début d'ébullition. La ménagère retire alors du demi-fût d'eau chaude la quantité d'eau approximative en volume de la bouillie préparée et introduit celle-ci petit à petit, en agitant vigoureusement, réalisant un empâtage assez homogène.
La formation d'empois d'amidon provoque un épaississement de la pâte , le feu est alors réduit. La pâte de plus en plus épaisse continue à cuire jusqu'à apparition de bulles d'air à la surface. Le récipient est alors retiré du feu et le contenu est transvasé dans un autre demi-fût ; Cette opération à pour but d'accélérer le refroidissement et amène la pâte vers 65-70°C après 1h30min environ. L'opération d'obtention d'empois d'amidon a dure une trentaine de minutes .

Lors de la cuisson de la farine en présence d'eau , il se produit le phénomène d'empesage. Au cours de ce phénomène les granules d'amidon gonflent en absorbant des molécules d'eau, puis éclatent en libérant les molécules d'amylose et d'amylopectine, c'est la solubilisation. Ainsi les molécules d'amidon fortement hydratées seront plus sensibles à l'action des amylases qu'étant sous forme de granule natif.

2.3.2.2.Liquéfaction

Elle assurée par les racines de " Munkoyo".
Pendant que la farine cuisait au feu, la ménagère s'est c'est adonné à la préparation des racines qui sont battues de façon à libérer des fibres et donc permettre ainsi un meilleur contact entre la pâte et les racines.
Après refroidissement les racines sont introduites dans la pâte épaisse .On agite vigoureusement et en quelques minutes une liquéfaction manifeste peut être constatée. Une vingtaine de minutes plus tard, la liquéfaction est quasiment complète.

Au cours du refroidissement, les molécules d'amylose et d'amylopectine solubilisés se réorganisent en un réseau, ce qui devrait rendre la pâte plus solide, c'est la retrogradtion. Puis les alpha et bêta-amylases des racines de munkoyo transforment les macromolécules d'amidon en diholosides (maltose), triholosides (maltotriose), ce qui détruit le réseaux fait d'amylose, d'amylopectine et d'eau (liquéfaction).
La saccharification se poursuit pendant que le moût obtenu est laissé au repos pendant 6 à 7 heures. C'est à ce moment seulement que les racines sont éliminées.
La ménagère effectue alors une filtration grossière avec un panier en osier. La boisson encore très riche en matières en suspension est transvasée en calebasse dont l'ouverture est recouverte part une assiette.

2.3.2.3.Fermentation

Les calebasses sont stockées dans un endroit frais et une fermentation spontanée a lieu. Une fermentation lactique accompagne la fermentation alcoolique.
(Photo 10)

2.3.2.4.L'affinage

La boisson sera consommée, soit fraîche, soit fermentée partiellement, soit fermentée complètement suivant qu'elle est destinée aux femmes et aux enfants.
Le munkoyo frais c'est à dire "non alcoolisée " renferme une moyenne de 0.43% en volume d'éthanol (Lovelace, 1977 ; cité par Griffon, 1985)

2.3.3. Aspect économique, social et nutritionnel du munkoyo

Au Shaba, le Munkoyo fabriqué que par certaines familles représente une source de revenus en argent liquide au même titre que le commerce des tomates des briques de terre, ou du charbon de bois. Cependant, c'est au cours de la saison sèche que la fabrication de la bière est la plus importante. La boisson munkoyo est consommée par toute la population à des degrés différents de fermentation et est présenté à toutes les fêtes et cérémonies coutumières. La consommation est importante : 5 gobelets par jours en moyenne pour les adultes, au prix de 1 likuta (l'équivalent 1centime Franc Français en 1973) par gobelet de 250 ml (Griffon, 1973 ; cité par Griffon 1985).
En Zambie la boisson est largement consommée par toute la famille, particulièrement par les femmes et les enfants

(Photos 11-12).

A KITWE à LUSAKA, 85% et 71% respectivement des maîtresses de maison interviewées boivent du Munkoyo (Mbugua, 1977 ; cité par Steinkraus). Pratiquement toutes en consomment quotidiennement pendant la saison sèche . Quant à la boisson alcoolisée, les enfants n'en ont plus le droit. A KITWE, 51 femmes recensées produisent 4 404 litres / semaine, ce qui fait une moyenne de 22,36 litres / semaine / femme.
La plupart du Munkoyo fabriqué à la maison pour la vente est disponible sur le marché local en bols de 200 à 500ml et représente une quantité d'environ 50 à 70 litres / semaine, alors qu'on sait que les opérations commerciales produisent plus de 1 600 litres / semaine. De plus, on trouve du munkoyo sec instantané qui est bien accepté , car la saveur est comparable à celle des produit traditionnels.(Keith H. Steinkraus, 1983)

Le munkoyo qui a un important pouvoir d'amélioration de l'assimilation des calories protéiques pour les enfants Zambiens, est avant tout un aliment. Le munkoyo contient 11 à 13% de matière et 0,5 à 1% de protéines : un litre de Munkoyo apporte autant de calorie que 250 g de pain (Lovelace, 1977 ; cité par Claude Aubert, 1985). Les données analytiques du Munkoyo sont résumées dans l'annexe 2 . Cependant , la production du Munkoyo étant largement produit à un niveau domestique, des risques toxicologiques subsistent. En effet, plusieurs types de racines de munkoyo utilisées sont utilisées et certaines d'entre elles peuvent être toxiques (Mbugua, 1977 ; cité par Steinkraus) . Un danger en plus est que les maïs utilisé pour la préparation du Munkoyo peuvent être contaminés par Aspergillus favus ou autres champignons producteurs de mycotoxines. Un effort particulier doit être fait pour que soit uniquement utilisé du maïs non moisi pour la consommation humaine.

Tableau 1 : Comparaison des bières africaines et de la bière européenne

 

3-ETUDE COMPARATIVE ENTRE BIERES INDUSTRIELLES ET BIERES TRADITIONNELLES


3.1. PROBLEMES RENCONTRES PAR LES BIERES ARTISANALES.

Après avoir traité brièvement les bières modernes et montré la diversité et la particularité des bières africaines, on ne saurait terminer ce dossier sans faire une étude comparative de ces deux types de boissons. Dans un premier temps leurs similitudes seront évoquées, tandis que dans un deuxième nous essayerons d'énumérer les divergences.

3.1.1. Les similitudes

Les similitudes sont d'ordre conceptuel. En effet, aussi bien pour les bières modernes européenne, que pour les bières traditionnelles africaines, un moût sucré est obtenu après transformation d'un substrat amylacé, une fermentation est faite enfin un affinage de la boisson est réalisé.

3.1.2. Les divergences

Elles sont d'ordre technologiques ; c'est à dire que les moyens mis en œuvres et les matériels utilisés sont complètement différents.
En Afrique tandis que le brasseur (homme ou femme) utilise des ustensiles en bois en terre, des calebasses, des tôles, des herbes, des panier , du bois de feu, etc... ,pour l'élaboration de son produit, la production de la bière industrielle type européenne utilise un matériel de haute technicité, des cuves en acier inoxydable etc…
Tandis que la préparation de la bière industrielle est réalisé par des personnes averties et spécialisées et aidées par appareils de mesures.
Afin de visualiser la comparaison des bières africaines et des bières industrielles, une étude globale est d'abord réalisé (tableau1) puis une analyse détaillée des différentes étapes du process de fabrication du dolo est présentée (tableau 2)

Les bières industrielles qui sont fabriquées avec la mise en œuvre de gros moyens ont aujourd'hui réussi à minimiser tous les problèmes que nous rencontrons avec les bières artisanales. Les grands groupes industriels maîtrise la qualité de plus en plus , surtout en plus avec la mise en place , des normes ISO 9000 et bientôt ISO 14000
A l'opposé , les bières artisanales comme leur nom l'indique ne peuvent atteindre les qualités obtenues par les boissons industrielles. Cela est dû à la non maîtrise parfaite des paramètres appliqués. Dans la cas des dolotières au Burkina-faso, elles tiennent leurs savoirs de traditions orales et cela depuis des générations, et agissent sans vraiment savoir les fondements scientifiques de ce qu'elles font. Par ce manque de connaissances technologiques et scientifiques il est vraisemblablement difficile d'aboutir à des boissons alcoolisés qui répondent à des critères de qualités précis de reproductibilité. Cela est du à la non maîtrise des souches de levures et de bactéries, et aussi des paramètres temps et température qui interviennent au cours de la préparation.
Ces problèmes évoqués sont bien généraux à toutes les bières africaines préparées de manière artisanale. Nous avons traite le cas du dolo mais nous pouvons généraliser ces mêmes types de problèmes aux autres boissons fermentées issues d'une technologie artisanale africaines.

 

3.2 ACTIONS A ENTREPRENDRE EN VUE D'AMELIORATIONS DES BIERES TRADITIONNELLES.

L'étude menée dans ce dossier nous a conduit à identifier plusieurs insuffisances liées à la pratique artisanale de fabrication.
Le développement de ces bières artisanales tel le dolo et le munkoyo ne pourrons se développer dans l'avenir sans subir une amélioration au niveau de la qualité, de la reproductibilité, et de la stabilité du produit fini au cours du temps. Il est donc primordiale pour la survie de ces bières de pallier ces inconvénients si elles veulent connaître un développement. Nous pourrons :

Améliorer les méthodes et les techniques de maltage et de brassage.
Augmenter l'hygiène des opérations et du matériel à tous les niveaux.
Mise en place d'une filtration en fin de fermentation
Augmentation de la stabilité au cours du temps
Application d'un traitement thermique avant conditionnement.
Recherche de l'obtention d'une reproductivité
Améliorer le suivie du process de fabrications
Augmenter les productions afin de rendre plus accessible le produit.

Ces amélioration semble difficile à entreprendre étant donné le contexte dans lequel la fabrication de ces bières s'effectue. Il faut en effet prendre en compte les facteurs humains , financiers , et techniques.


CONCLUSION


 

L'étude porté dans ce document qui concerne le parallèle entre les bières industrielles et les bières traditionnelles africaines ont permis de mettre en lumière les insuffisances des pratiques traditionnelles.. Les bières africaines sont plutôt considérées comme un aliment est occupent une place importante dans la société. Ces boissons fermentées sont ancrées dans les habitudes de chacun depuis des générations et des générations.
De ce fait cela rendra encore plus difficile la résolution de ces problèmes qui sera longue et difficile vu que l'environnement tant humain que financier ne la favorise pas. En effet si on regarde le contexte de fabrication des bières artisanales africaines on se rend compte que toutes ces améliorations semble délicates à réaliser étant donnée les moyens financiers mis en jeu qui sont extrêmement faible. En ce qui concerne les dolotières , leur savoir est issue d'une tradition orale qui se perpétue depuis des générations de mères en filles.
Cette tradition traditionnelles qui est ancré dans les us et les coutumes de chacun sera difficile à changer et si une action d'amélioration était tentée, elle ne pourrait se faire sans la volonté de chacun. Un changement radical des méthodes afin d'améliorer tous les points cités ci-dessus peut également être préjudiciable pour le produit lui-même, car les consommateurs de ces boissons fermentés ne vont plus se reconnaître dans ce produit "amélioré" car ils sont habitué à consommer ces boissons artisanales qui sont financièrement abordables
Ces boissons ne pourront se développer qu'avec une aide financière, technique, et humain et surtout qu'avec la contribution d'une investissement privé.